Championnat du Monde de Trail - Miranda do Corvo
L'histoire de ce championnat commence réellement le 14 avril suite au Trail de la Drôme, où, en prenant la deuxième place à quelques encablures de mon ami Nicolas Martin je décroche un des 5 tickets qui seront délivrés pour intégrer l'équipe de France. Un maillot que je connais bien puisque ce sera la 30ème fois que j'aurais l'honneur de le porter. Dans la vie de tout sportif de haut-niveau et quel que soit le sport, intégrer l'équipe nationale et représenter son pays reste quelque chose d'unique, dont on ne se lasse jamais !
La
préparation proprement dite démarre la semaine suivante au Portugal où nous
avons la chance avec la Dream Team France de repérer le parcours grâce à la
Fédération Française d'Athlétisme.
La première demi-journée nous permet de reconnaitre la première moitié de
course. Il est 13h, nous rejoignons le staff pour le pique-nique, cela fait
plusieurs kilomètres que je ronchonne un peu. Et pour cause, ce parcours très
technique sur la première partie, avec de longues portions où l'avancement sera
très lent n'est guère à mon goût pour ne pas dire qu'il ne me l'est pas du
tout. J'en suis même à remettre en cause ma participation auprès d'Olivier Gui,
que ça ne fait pas spécialement rire sur le coup ;-).
La préparation se passe sans encombre, la semaine de stage
dans le Cantal nous permet à la fois de bien s'entrainer et de passer de bons
moments avec toute cette formidable équipe.
On dit souvent qu'une des clés de la réussite est la confiance en soi et que la
clé de la confiance en soi est la préparation. Je ne sais pas si j'ai confiance
en moi mais je sais que je me suis bien préparé. La course au Trofeo Nasego m'a
conforté et cette période m'a permis de bien me préparer mentalement à cette
course particulière. Je ne sais pas si cela va se passer comme je l'imagine
mais je sais comment l'aborder pour que ça se passe au mieux.
C'est
dans cet état d'esprit que j'arrive le 8 juin au départ de ces Championnats du
Monde.
Je n'ai pas d'objectif de résultat, je sais seulement que pour faire une bonne
course il faut que je fasse « ma » course et que je mette en place ma
stratégie tactique et mentale pour cela !
Dimanche
8 juin, pourtant tout ne commence pas de la meilleure des manières. Après
l'échauffement nous n'arrivons pas spécialement tôt sur la ligne de départ.
Contrôle du matériel, puis on se rend vite compte qu'il n'y a rien de vraiment
cadré, les premiers arrivés ont été les premiers servis sur la ligne. Et comme
nous sommes loin d'être les premiers arrivés, et bien nous sommes plutôt en fin
de peloton. On essaye de se frayer un chemin pour avancer un peu plus près de
la ligne. On arrive à gagner quelques places grâce à la gentillesse de certains
coureurs mais au bout d'un moment nous sommes bloqués. Il y a bien 15 rangées
de coureurs devant nous et sans à-priori, il y en a quand même pas mal qui
n'ont pas l'air de vouloir partir spécialement vite. Cela nous inquiète un peu
car le parcours est vite étroit avec des escaliers et des petits ponts mais il
va falloir faire avec !
Le coup de pistolet retentit, bien sûr le temps que le peloton se lance on met
quelques secondes à passer la ligne. Là je me dis : « ne pense pas
qu'il y a 44km, fais l'effort pour revenir sur le paquet devant le plus vite
possible avant d'être trop gêner » ! Je fais donc environ 1.5km de
cross-country à slalomer dans le peloton pour venir me placer où je souhaitais
être. C'est violent pour un trail mais ça me permet de démarrer plus sereinement
la « vraie course ».
Alex me rejoint rapidement, nous sommes entre la 10 et 15ème place,
les favoris sont proches de nous, nous sommes idéalement placés et la course à
deux est bien agréable.
Les 10
premiers kilomètres passent sans encombre, les jambes ont l'air plutôt bonnes,
il y a des gars un peu devant mais nous sommes à bonne portée. Il y a déjà pas
mal de passages très pentus ou bien techniques, devant ça marche, alors je
marche. Je n'aime pas spécialement ça mais à l'intérieur ça me fait presque
sourire car je sais que quand il faudra passer la vitesse supérieure j'en serai
capable.
La première grosse bosse bien courable nous permet de se rapprocher de la tête de course. Alex en remet une couche, je trouve qu'il y va un peu fort pour le moment de la course alors je laisse filer un peu. A la bascule j'ai dû prendre une bonne vingtaine de secondes de retard avant la descente vers le ravito du 16ème, la partie la plus technique, celle qui m'est le moins favorable. Pourtant je l'aborde assez relax, pas de prise de risques, j'essaye de trouver du relâchement. Quelques coureurs me passent en furie (je me demande bien à quoi ça sert à ce moment de la course de prendre tous ces risques, une fois de plus cela me fait sourire à l'intérieur). Je ne m'affole pas et pourtant il y a peu de coureurs qui me reprennent.
J'arrive au ravito en 9-10ème position. Maryline et Guillaume sont d'une efficacité remarquable, c'est reparti. Jusque-là j'ai consommé 500ML de boisson d'effort Ergysport et repart avec 500ML de boisson d'effort, 250Ml d'eau et une flask avec de la poudre de boisson pour le ravitaillement suivant. Il reste encore 2 kilomètres de très technique mais ça commence à remonter et cela me convient mieux. Je reprends rapidement un anglais, Ionut Zinca le roumain et je commence à distancer le péruvien qui était avec moi. La partie technique se termine, j'avale une purée de fruit Natural Boost d'Ergysport ; je sais que c'est à partir de là que je dois faire mon effort, je reprends rapidement le champion du monde en titre Luis Alberto, je suis alors 5ème.
La montée de 600m+ me convient parfaitement, je monte bon
train et sur le sommet je reviens sur Alex. Quelques mots pour savoir comment
ça va et d'encouragement pour qu'on s'entraide à revenir encore plus devant
mais très vite je ne le sens plus dans ma foulée.
S'en suit une longue portion roulante, les jambes tournent toujours à
merveille, je reprends un népalais, me voilà virtuellement sur le podium. Je
reste bien concentré, le chemin est encore long.
Petite descente jusqu'à un barrage avant de remonter sur le point haut du
parcours pour environ 300m de déniv. On m'annonce souvent autour de 1'40'' de
retard sur la tête. Par contre je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe
derrière !
La première partie de cette montée est très roulante, j'avale une deuxième
purée de fruit ; j'avance encore bon train. Après une centaine de mètres de
dénivelé se trouve un ravitaillement. Nous ne pouvons nous faire assister à cet
endroit mais je prends le temps de remplir ma flask prise au ravito précédent.
On m'annonce alors que Christian Mathys ne semble pas au mieux devant.
La pente se redresse un peu, je passe sans problème tout en courant alors que
je commence à le voir marcher devant. Je poursuis mon effort et le reprend juste
au sommet. Il n'a pas l'air au mieux mais dès que ça descend il s'accroche
quand même ! Jonathan Albon est autour de 1'30'' devant, nous avons fait
jeu égal dans la bosse. Il est solide le gaillard ;-) Nous restons assez
proche sur la première partie de descente mais il me repasse juste avant
d'arriver avant la dernière bosse du parcours. Les crampes commencent à arriver
sur les adducteurs et vastes internes. Tous ces vire-vires de la première
partie de course nous ont bien marqués. J'arrive au pied avec une dizaine de
secondes de retard. Je sais qu'il faut vraiment que je fasse l'effort dans ces
90m de dénivelé positif car derrière il reste environ 10km avec essentiellement
de la descente et du plat avec encore une partie très technique le long du
ruisseau.
Je rentre très rapidement sur Christian et mets ce qu'il me reste pour grimper fort. L'écart se fait immédiatement. Arrivé au sommet dans le petit village de Gondramaz, je remplis rapidement ma flask car il commence à bien faire chaud et plonge dans le vallon, Jonathan est à environ 2' devant. Maintenant il ne faut pas se poser de question, il faut y aller ;-) Je passe plutôt bien la partie technique, l'écart est toujours de 2', ce qui me laisse encore un petit espoir. Au sortir du ruisseau il reste environ 6-7km, je fais le forcing sur cette portion très roulante tout en essayant de contenir les apparitions de crampes. 1, 2, 3 kilomètres, l'écart ne bouge pas, je ne reprends rien du tout ! L'anglais a réputation d'être costaud dans le technique mais force est de constaté qu'il l'est aussi sur les parties rapides ! D'autant que je ne sais absolument pas où sont les poursuivants. Sur ce rythme j'imagine bien que ça ne va pas rentrer très vite mais on n'est jamais à l'abri tant que la ligne n'est pas franchie. A 3km de l'arrivée il faut se rendre à l'évidence il est impossible de combler 2' alors que ça fait 20 km que je n'ai rien repris. On arrive sur la dernière portion de route, il y a un peu plus de visibilité. Je n'ai pas déclenché ma Suunto au départ volontairement mais je sais d'après les infos de Nico à l'échauffement qu'il reste 1.9km. Je m'efforce de rester concentré, il ne faut surtout pas que cette médaille d'argent m'échappe si près du but. Le cameraman qui court à côté me dit que c'est bon, je peux commencer à réaliser, taper dans les mains, me parer du drapeau bleu-blanc-rouge et franchir cette ligne d'arrivée dans un mélange d'émotion et d'épuisement. Vice -Champion du monde, il n'y a pas de mots pour décrire ces instants. En 25 ans de course à pied, je connais trop la valeur de ces moments pour les savourer à leur juste valeur.
La suite vous la connaissez, Chritian Mathys a réussi à conserver sa troisième place devant mon ami Franscesco Puppi. Et puis c'est le show bleu-blanc-rouge, Nico, Manu et Ludo 5-6 et 7, Champion du Monde par équipe. Aujourd'hui il n'y avait pas mieux à faire. Petite pensée à Alex et Romain, un peu plus en difficulté mais qui auront grandement contribué à ce titre.
Le Show tricolore se poursuit avec l'énorme victoire de
Blandine, en tête de bout en bout, elle a survolé les cailloux portugais.
Sarah, Adeline, Clémentine, Julie, Christelle, Maryline, les filles sont
Championnes du Monde par équipe. Il y a des journées magiques, celle-là en est
une assurément ;-)
Le lendemain, pour la première fois depuis 21 ans, je suivrais les Championnats
de France de course en montagne à distance, en toute quiétude mais comme un
passionné que je suis !Vice-Champion du Monde individuel - Champion du monde par équipe, c'est aussi
la récompense de tous ceux qui ont œuvré depuis mes débuts à construire cette
réussite. Je pense bien évidemment à Julia et toute ma famille pour leur
soutien sans faille depuis mes premières foulées. Mes entraineurs successifs
qui m'ont permis de me construire avec bienveillance : Jo, Philippe,
Bernard et Antonio et tous ceux qui m'ont guidé, inspiré, accompagné et aidé de
quelle que manière que ce soit. Tous mes amis qui ont partagé un bout ou
beaucoup d'entrainement. Le Staff de l'équipe de France et la fédération pour
ce qu'elle a mis en place pour nous préparer et tous les supporters le long du
parcours avec une mention spéciale pour Mathieu, Anna et Evelyne. Mes
partenaires ( Hoka One One - Ergysport) qui me permettent de me préparer dans de bonnes conditions. Et vous
tous qui me suivez, m'encouragez et qui m'avez envoyé tant de messages de
sympathie.
Un immense MERCI à tous.
Crédits Photos: Peignée Verticale (J. Faria) - FFA - Marco Gulberti - Trails Endurance Mag